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Écrivain à 3 Temps
Carole Martinez

Samedi 21 octobre 2023
à 15h

Pour réécouter la première rencontre avec Carole Martinez

 


©F. Mantovani/Gallimard

 

Pour cette édition 2023 d’Écrivain à 3 Temps, la médiathèque de Roanne a reçu Carole Martinez devant un public nombreux et curieux de mieux connaître cette écrivaine. Carole Martinez, née en Lorraine, est l’auteure de quatre romans publiés dans la collection Blanche de Gallimard, ainsi que d’ouvrages à destination de la jeunesse. Deux de ces romans ont reçu des prix, le Renaudot des lycéens pour Le Cœur Cousu en 2007, et le Goncourt des lycéens pour Du domaine des murmures également finaliste du prix Goncourt en 2011.

Lors de cette rencontre, c’est autour de ces quatre romans que l’auteure nous laisse entrevoir son processus créatif et découvrir son univers singulier.

Écrire, c’est transformer le réel !

Le cœur cousu, premier roman paru en 2007, marque la véritable entrée de Carole Martinez en littérature. Or, il lui aura fallu une quinzaine d’années pour l’écrire et le faire publier.

Un jour, j’arriverai au bout de ce livre, je serai écrivain

Mais cette période n’a pas été une épreuve, bien au contraire, c’était un amusement, un moment de liberté, sans contrainte, un plaisir immense. Carole Martinez considère d’une certaine façon que l’écriture de ce roman était un refuge, son « coin » à elle, ou elle pouvait tout se permettre. L’écriture n’a pas été linéaire, alternant des allers retours, des pauses et des moments de création plus intenses.

Écrire, c’est une folie

Le cœur cousu est né d’une tragique histoire familiale, transmise de génération en génération, qui métamorphosée par l’auteur devient un conte mystérieux et merveilleux, une épopée historique et féminine.
Pour Carole Martinez, une part de magie permet de faire avancer l’écriture. La beauté des croyances et le merveilleux de l’imaginaire donnent au livre son ton et sa fraîcheur. Sa volonté est de donner au personnage féminin un rôle actif et puissant qui tient les fils de son destin, thème que l’on retrouve dans l’ensemble de son œuvre.

 

 

 

 

 

 

Faire entendre la voix et l’histoire des femmes

Ce qui m’intéresse c’est la force du féminin et le silence du féminin

Pour son deuxième roman, Du domaine des murmures, Carole Martinez situe son récit au XIIème siècle en Franche-Comté. Ici encore, son personnage principal est une héroïne charismatique, à la destinée hors du commun. Et si le cadre historique est très documenté et respecté, l’écrivaine constate que les femmes sont très largement absentes dans les sources et dans la recherche historique de cette période. Cela lui offre la possibilité de faire des pas de coté, de remplir les blancs laissés par les historiens, de broder des histoires. Alors, le récit devient un conte cruel et sensuel où le mysticisme côtoie les légendes vernaculaires, où le spirituel est supplanté par le charnel, où l’amour maternel déborde de l’amour de Dieu.

Carole Martinez avoue, et ses romans en sont la démonstration, une imagination débordante : ce sont ses personnages qui souvent la recadrent et lui permettent de tenir le fil de son récit. Dans La terre qui penche, son troisième roman, elle laisse libre court à l’imprévu et à l’autonomie de ces derniers, qui prennent par moments en charge l’écriture.

Ce roman, qui fait se rencontrer dans la même tombe et dialoguer une petite fille de 12 ans et son fantôme âgé, est associé au précèdent puisqu’il se passe deux siècles plus tard sur les mêmes terres. Du domaine des murmures et La terre qui penche devaient inaugurer une œuvre plus vaste d’histoires de femmes à travers les siècles sur ce territoire bordé par la Loue, une rivière envoutante. Carole Martinez a cette fois décidé d’aborder le thème de la mémoire et de l’identité. Comment le temps altère-t-il les souvenirs, comment en parcourant les différents âges de la vie, reste-t-on identique à soi-même ? Est-il possible de se fier à la mémoire, quel regard porte-t-on sur le monde, quels sens mobilise-t-on pour activer le souvenir ? Son travail porte en grande partie sur ce questionnement.

L’atelier du récit

Je fais partie de ceux qui déforment

Pour son dernier roman paru en 2020, Les roses fauves, Carole Martinez met en scène son double narratif et aborde les affres de la création par un jeu de mise en abyme et d’emboîtement des récits. Il est question de transmission familiale en référence au Cœur cousu, son premier roman, de secrets et de confrontation libératoire au passé.

L’auteure reconnaît facilement son amour des contes et toute son œuvre le prouve. Ici, le fantastique se retrouve dans le jardin, qui de refuge, devient, avec l’éclosion des roses fauves un univers foisonnant, incontrôlable et inquiétant.

Mes romans sont très textiles

Dans son processus de création, Carole Martinez admet ne pas penser au lecteur mais plutôt à elle, lectrice : « il faut que ça me plaise ». Dès lors, elle écrit et se relit à voix haute. L’écoute est nécessaire et permet de nourrir l’écriture. Le lecteur, lui, recrée le roman selon sa sensibilité et cela devient sa propriété. Carole Martinez ne construit pas de plan qui la guiderait sur la réalisation de son livre, hormis pour le dernier chapitre qui doit renouer tous les fils de l’histoire. Ce qu’elle recherche avant tout dans l’écriture, c’est l’accident, la surprise, la divagation.

Elle reconnait qu’il est difficile de clore un livre, car il faut accepter de perdre un peu de sa toute puissance. « C’est le suivant qui permet de s’en dessaisir », indique-t-elle. Carole Martinez nous révèle que c’est la forme du roman, son mode de narration, qui imposent son mode de fabrication, elle en a besoin pour contenir son texte, et jusqu’à présent ses quatre romans ont leur propre forme. 

 

 

Cette rencontre a permis de découvrir une auteure débordante de spontanéité, d’un accès des plus naturels, aimant faire partager son travail et dévoilant sans aucune pudeur sa panoplie créative. Nul doute que le prochain rendez-vous d’Écrivain à 3 Temps, samedi 18 novembre, qui verra Carole Martinez et Marjolaine Salvador-Morel croiser leurs regards sur la fibre créative saura passionner le public.

 

Rencontres littéraires
Médiathèque de Roanne