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Écrivain à 3 Temps
Carole Martinez & Murielle Magellan

Samedi 9 décembre 2023
à 15h

Pour réécouter la rencontre avec Murielle Magellan

 

 


Portrait de Muriel Magellan - ©Mialet Barrault

 

 

Pour clore ce cycle d’Écrivain à 3 temps, Carole Martinez a choisi d’inviter Murielle Magellan. Amies depuis plus de trente ans, elles aiment à se raconter l’une à l’autre. Malgré des choix artistiques différents, leurs œuvres se font écho tant par leurs thématiques que par leur expression. Une complémentarité et une complicité évidentes traduites lors de cette rencontre.

La littérature est l’endroit de la liberté absolue.

Murielle Magellan est à la fois romancière, réalisatrice pour le cinéma et la télévision, femme de théâtre et scénariste. Diplômée de lettres modernes, elle voue un amour inconditionnel aux mots et à ce qu’ils peuvent traduire. Pour Murielle Magellan, écrire est une « folle liberté » où tous les possibles sont permis. Bien qu’évoluant dans des sphères différentes, les univers créatifs de Murielle Magellan et Carole Martinez présentent de nombreuses similitudes.

Pour Carole Martinez, écrire est une recherche de puissance. Elle n’a donc pas peur d’exprimer la cruauté, la violence des sentiments. Être écrivain, c’est être libre. Libre de faire ce qu’elle veut dans un roman, de s’emparer de toutes les formes d’expression pour pouvoir décrire les émotions qui nous animent. Carole Martinez et Murielle Magellan aiment toutes les deux les mots, travailler la phrase à la recherche de cette puissance et se partagent volontiers leurs moments de création en se lisant leurs textes.

Alors que leurs œuvres se font écho, Murielle Magellan aborde beaucoup plus le monde contemporain que Carole Martinez, notamment en décryptant les changements de vie liés à des problématiques de classes sociales. Ce qui pourrait être nommée une révélation à soi-même, un éveil, Murielle Magellan le traduit très bien dans Géante, récit d’une émancipation, retranscription de la société actuelle dans laquelle les femmes prennent de plus en plus de place à travers les arts, ce qui évidemment peut troubler les hommes. C’est cet aspect, ce mouvement-là qui intéressait Murielle Magellan pour son roman : comment raconter l’éveil à la culture et à son propre potentiel d’un personnage qui comprend alors ce qui jusqu’ici lui échappait.

Pour Carole Martinez, cette révélation à soi-même, ces changements de vie sont liés à une reconnexion, une énergie, une vérité intérieure qui émerge.

Une nouvelle vie est toujours possible.

 



 Ce qu’elle qualifie de métamorphose permet tous les possibles rendant ses personnages féminins et par extension la Femme, puissante. Il s’agit de trouver comment chacun peut réorienter son existence, sortir de sa condition initiale en s’élevant.

Par un effet de contre plongée, l’ombre portée sur le mur donne même à l’arbre nain et à ses fruits des allures de géant.
extrait de Géante

Être dans la peau de, c’est ça écrire.

Leurs œuvres se font aussi écho par le biais de nombreuses références au théâtre notamment dans l’œuvre de Carole Martinez, et cela n’est pas un hasard. Carole Martinez et Murielle Magellan sont passionnées de théâtre, premières amours de leur début de vie d’adulte. Elles réinvestissent le théâtre dans l’écriture de romans. Un parallèle entre théâtre et jeu d’acteur se crée ainsi. Se servir de ses propres émotions pour élaborer une bibliothèque de sensations. Observer, se nourrir de cette attention à l’autre et ainsi créer l’écriture tout en bousculant les formes. « C’est le corps qui écrit », corps intrinsèquement impliqué dans la langue.

Une citadelle intérieure.

Enfin, chacune a tissé un lien particulier avec la bande dessinée. Murielle Magellan en adaptant au cinéma La Page Blanche de Pénélope Bagieu et Boulet. L’enjeu a été de ne pas trahir la bande dessinée, de respecter son esprit, sa « citadelle intérieure » tout en se l’appropriant et ainsi traduisant par l’image filmée les émotions du dessin. Carole Martinez, quant à elle, est lectrice de bandes dessinées depuis l’enfance et c’est tout naturellement qu’elle s’est prêtée au jeu de l’écriture de bande dessinée en tant que scénariste pour la série Bouche d’ombre. Son roman Cœur Cousu sera sans doute adapté en bande dessinée prochainement.

Ma valise est grande ouverte sur le lit, mes trois mois de solitude se sont écoulées, je jette un dernier regard à ce chalet où j’ai vécu en recluse, j’ai abandonné Barbe-Bleue en route, mais ce lieu m’a inspiré un roman que finirai un jour, c’est sûr. Je ferme ma valise, pose sur la table la carte postale qui m’a conduite ici et je quitte mon roman pour regagner le monde. Dans ma poche un anneau roule sous mes doigts.

Ces phrases, les dernières des Roses Fauves, referment un épisode, à l’image de la clôture de ces trois rencontres. Elles ouvrent également la porte à de nouveaux possibles, où l’éclectisme est roi. En effet, Carole Martinez et Murielle Magellan mettent leur plume au service de l’art sous toutes ses formes. Cruauté, beauté, poésie, élévation ; un melting-pot d’émotions servis par deux artistes aux parcours différents mais qui se complètent parfaitement. Une belle histoire d’écriture et d’amitié.