La faune sauvage reprend son territoire Ils sont là, tapis dans l’ombre… Vous ne les voyez pas ? Pourtant ils reviennent, à pas de loup…
Ours, lynx, aigles et loups. Oui, ces grands prédateurs sont bien installés sur notre territoire français. Ils font partie des espèces protégées, ce qui sous-entend le caractère sauvage de l’animal, couplé à une volonté de conservation de celui-ci. Nous les connaissons tous, plutôt de loin que de près, et pourtant, il fut un temps où ces mêmes animaux cohabitaient avec nos ancêtres… Mais ne vous méprenez-pas, notre monde moderne n’est pas un frein au retour de ces animaux, on observe même une réappropriation des espaces par les super-prédateurs. Habiter ensemble, voici le défi de la faune sauvage face à l’Homme.
L’Homme redécouvre l’Animal
Bernin, 2 avril 2020, période de confinement. Une scène hallucinante est filmée par une automobiliste de ce petit village d’Isère. Deux aigles royaux se battent au beau milieu de la route. 6 kilos et 2 mètres d’envergure, la femelle protégeait certainement son nid d’un mâle un peu trop curieux. Une interaction qui nous semble déconnectée du réel. Et pourtant, c’est l’absence de bruit et de présence humaine qui a fait redescendre cet oiseau de montagne. Car avant de nicher en altitude, l’aigle s’installait en plaine avant que l’homme ne le chasse. Le confinement nous a alors donné un aperçu de ce qui pourrait être une cohabitation avec une espèce protégée, aussi impressionnante soit-elle.
Pas besoin de s’aventurer très loin pour croiser la route de ces prédateurs. Le Progrès nous rapportait que le 5 juin 2024, un lynx, surnommé Blaise, a été photographié sur la commune de Saint-Romain. Il a effectivement passé l’hiver dans les Monts d’Or, où il a été aperçu plus de 170 fois. Il s’est installé en toute discrétion, sûrement en quête d’une partenaire. De quoi étonner les habitants, qui devront s’habituer à la présence de prédateur inoffensif pour l’Homme…
Plus nombreux chaque année...
Un millier. C’est aujourd’hui la population des loups en France, qui jadis couvraient 90% du territoire français. Ils avaient complètement disparus au XXème siècle et pourtant, les revoilà. D’Italie, les loups ont franchis la frontière suisse pour ensuite venir s’installer dans l’Est de la France. Il s’agit là d’une réintroduction naturelle de l’espèce, qui d’elle-même s’est déplacée pour investir d’autres territoires. Le réseau « Loup-Lynx », créé par l’Office français de la biodiversité, permet la surveillance des deux espèces, l’observation de leurs déplacements et leur recensement.
Cependant, certains animaux ont dû compter sur l’intervention de l’Homme pour rester dans le paysage français. C’est le cas de l’ours, aujourd’hui uniquement présent dans les Pyrénées. C’est grâce à l’association FERUS pour la défense et la sauvegarde des grands prédateurs et à la commune de Melle qu’ont été importés en 2006 des ours slovènes, génétiquement proches des ours pyrénéens. Ils sont passés de 5 individus en 1995 à 83 en 2023 : un plan d’action national est mobilisé pour la sauvegarde de l’espèce jusqu’en 2028.
Les aigles ne font pas exception, mais subissent la règle. Un pygargue femelle a été tué par balle en mai 2024 par deux chasseurs, alors même qu’elle venait d’être relâchée dans le cadre d’un programme de réintroduction de l’espèce. Ce n’est donc pas parce qu’un animal est protégé par la loi qu’il en devient intouchable.
…Mais tout de même en danger
L’Homme est à la fois le gardien et le bourreau. En effet, les grands prédateurs n’ont qu’une seule espèce à craindre, que cela relève de la chasse ou de l’accident, comme l’illustre la première cause de mortalité du lynx : la collision automobile, suivi par le braconnage. Pour ce qui relève de la circulation routière, l’association Férus propose gratuitement des panneaux de signalisation « spécial lynx » pour avertir les automobilistes du danger de collision et les inciter à ralentir. Toutefois, c’est à l’administration française de valider ces panneaux et de trancher pour le ralentissement de la limite de vitesse sur certains tronçons.
Reste l’éternelle querelle entre les défenseurs des espèces protégées et les éleveurs. 2024 est la première année où la population lupine est en baisse, venant mettre de l’huile sur le feu du Plan national d’action sur le Loup 2024-2029. En effet, des associations telles que WWF voit dans cette décroissance une conséquence directe des tirs autorisés à la hauteur de 19% de la population de loups.
« Il ne peut pas y avoir de cohabitation saine entre élevage et loups s'il n'y a pas de réduction importante de l'espèce ! » Thierry Coste, représentant de la Fédération Nationale des chasseurs
Montagnes et Moutons
Pour les éleveurs, le loup est une menace tapie dans l’ombre. Malgré les nombreuses mesures de protection (chiens de berger, parcs de regroupement, effaroucheur…), l’attaque est toujours possible et l’assaillant rusé. On dénombre plusieurs milliers de bétail attaqués chaque année. L’indemnisation des bêtes ayant été revus à la hausse, le traumatisme reste cependant présent pour ceux ayant subis des pertes. Le loup est une espèce « strictement protégée » dans l’Union européenne mais le nouveau Plan loup évoque la possibilité de revoir son statut, au ravissement des chasseurs et au grand damne des protecteurs lupins… Un équilibre semble alors à trouver, pour qu’entre l’Homme et l’Animal, chacun retrouve sa place.
De la vie urbaine à la vie sauvage, il n’y a donc qu’un pas. Le territoire se partage, entre l’Homme et l’Animal, en quête d’un équilibre. Chacun doit trouver sa place dans l’écosystème. Il nous faut coexister en somme, comme cela fût, comme cela sera.