Bye Bye Tibériade - Lina Soualem
À travers son film Leur Algérie, Lina Soualem interrogeait ses grands-parents paternels au moment de leur séparation après 60 ans de mariage et remontait avec eux leur douloureux chemin d’immigration. Pour son nouveau documentaire, elle a choisi d’orienter cette fois sa caméra sur sa famille maternelle en Palestine. Montré en première mondiale à la Mostra de Venise, Bye Bye Tibériade est également nommé pour représenter la Palestine aux Oscars en 2024.
C’est avec sa mère Hiam Abbass, que Lina Soualem retourne à Tibériade pour questionner l’histoire familiale. Hiam a quitté son village palestinien dans les années 80. Parce qu’elle “étouffait”, parce qu’elle voulait échapper aux traditions, parce qu’elle voulait devenir actrice, elle est partie laissant derrière elle sa mère, sa grand-mère et ses sept sœurs. Elle étudie d’abord la photographie à Haïfa, avant d’intégrer une troupe de théâtre à Jérusalem, elle se marie contre la volonté de ses parents avec un Anglais et s'installe à Paris, sans parler un mot de français. Elle est aujourd’hui une actrice internationalement reconnue, dans le cinéma arabe (Satin rouge de Raja Amari ou Les Citronniers d’Eran Riklis) comme dans les blockbusters américains (Blade Runner ou la série Succession).
Avec Hiam, Lina reconstitue un puzzle silencieux. Le film entremêle images contemporaines, archives dénichées aux quatre coins de la planète et films familiaux des années 90. Les destins des femmes de la famille sont souvent empreints de cheminements douloureux, à l’image de celui de la grand-mère d’Hiam, Um Ali, qui a dû fuir Tibériade en 1948 lors de la création d’Israël. Chassé de ses terres, le grand-père est mort de chagrin et de folie. Um Ali a vu sa maison détruite et sa famille éclatée (l’une de ses filles s’est retrouvée en Syrie dont elle ne put jamais revenir), elle a fait face, seule avec ses enfants, dont Neemat, la mère d'Hiam.
Pour convier les souvenirs, Lina rassemble ses tantes dans l'appartement de Neemat aujourd'hui décédée, pour évoquer avec elles leur jeunesse et le caractère très indépendant de sa mère. Ces intimités partagées résonnent de manière universelle pour porter la voix d'une génération, d'un peuple qui se cherche sans cesse...
Um Ali, Neemat, Hiam et Lina sont les quatre facettes de l’histoire palestinienne, quatre femmes aux parcours différents, résistantes, courageuses et volontaires. Elles éclairent une histoire collective et contemporaine qui, elle, continue de s’écrire dans la douleur...
Bye Bye Tibériade est une exploration de la mémoire familiale, de la mémoire des lieux, et questionne encore et toujours l'exil et l’identité. Un film documentaire bouleversant, à la fois intime et universel, pour comprendre les soubresauts d’un monde qui se déploie sous nos yeux.