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La nuit s'ajoute à la nuit - Ananda Devi

La nuit s'ajoute à la nuit

Devi, Ananda 1957 - ...
Stock

Une nuit au coeur de la prison de Montluc

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La nuit s'ajoute à la nuit s'inscrit dans la collection Ma nuit au musée des éditions Stock. Mais plutôt que de choisir le Centre Pompidou comme Yannick Haenel, la section des Antiques du Louvre comme Jakuta Alikavazovic ou le musée Picasso comme Lydie Salvayre, Ananda Devi opte pour un lieu non dédié à la beauté, chargé d'histoire, dont les murs gardent la mémoire d'événements tragiques du XXème siècle, la prison Montluc à Lyon.

Je sais la mémoire des murs. Je sais comment ils boivent le jus des vivants. Ce qu'ils absorbent de la matière des êtres et des événements, des siècles durant. Je n'ai pas peur des fantômes. Mais de la mémoire des murs, oui.

Cette nuit, Ananda Devi sait qu'elle n'en sortira pas indemne. Mais avant tout, ce que cette autrice d'origine mauricienne et indienne évoque dès les premières pages, c'est la question de la légitimité : "Je me dis et je le dois : ce n'est pas mon histoire". Son histoire familiale, c'est celle de l'esclavage et de l'exil, de l'oppression et de la colonisation. L'histoire de la prison de Montluc c'est celle de la déportation, de la torture par les nazis, des exécutions capitales lors de la guerre d'Algérie, des évasions réussies parfois. Et pourtant, l'histoire est commune car les abus de pouvoir et les génocides se caractérisent tous par une constante, la déshumanisation des êtres.

Cette nuit sombre et froide, passée au sein de la prison, est émaillée d'évocations de l'histoire poignantes et donne lieu à une profonde réflexion sur ce qui est constitutif de l'humanité : l'association de la cruauté et de l'abnégation. Les textes sont des "châteaux hantés où s'entend l'écho d'autres voix d'auteurs" écrit Fabienne Kanor ; alors  Ananda Devi convoque d'autres écrivains et artistes afin de mettre en perspective son propos. La Marguerite Duras de La douleur, Primo Levi, le poète et résistant René Leynaud, emprisonné à Montluc, mort pour l'exemple en mars 1944, ou encore Robert Bresson qui dans Un condamné à mort s'est échappé relate l'évasion extraordinaire de Montluc d'André Devigny en 1943.

Une des plus intéressantes méditations du livre est consacrée à la transmission du témoignage. Car il existe un gouffre entre le récit écrit et la réception du lecteur. Ananda Devi découvre le secret de cette médiation dans l'usage de mots simples, de la description nue, prenant appui sur ce constat de Robert Bresson : "Atteindre ce "coeur du coeur" qui ne se laisse prendre ni par la poésie, ni par la philosophie, ni par la dramaturgie."

 

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