Le renouveau du cinéma chinois La « sixième génération »
Les cinémas d’art et d’essai sont les endroits privilégiés en France pour découvrir des œuvres différentes, et de pays étrangers, tels la Chine. L’occasion de voir par exemple le dernier film de Dong Yue : Une Pluie sans fin sorti le 25 juillet 2018 et Grand Prix du Festival du Film Policier de Beaune, ou celui du réalisateur Zhangke Jia : Les Eternels, (Ash is purest white), sorti fin février en France. Ces deux titres ne sont que des exemples parmi la multitude de créations chinoises.
Cet article proposera un panorama non exhaustif de la vitalité retrouvée d’un cinéma resté longtemps associé aux films d’arts martiaux venant plutôt de Honk Kong, en replaçant cette dernière dans la longue histoire cinématographique du pays.
Les ombres électriques ou les prémices du cinéma chinois
On retient que le premier film projeté dans le pays le fut à Shanghai le 11 août 1896. La capitale de la Chine, Pékin, dut cependant attendre 1902 pour découvrir ce nouvel art, désigné par le mot dianying, qui signifie "ombres électriques". La première production chinoise connue est La montagne Dingjun (Dingjun Shan, 1905). De ce premier film jusqu’à 1932, la production est dominée par des œuvres tirées des pièces de théâtre chinois. Le cinéma local se développe tout d'abord à Shanghai dans les années 20, puis à Hong Kong dès l'arrivée du parlant et enfin à Taiwan après le départ des japonais. On parle donc de trois cinémas chinois)
Une deuxième génération de cinéastes chinois débute dans les années trente. Elle est d'abord composée de jeunes artistes et intellectuels. La menace grandissante d'une invasion japonaise inspire alors des films exaltant la résistance patriotique et l'identité nationale. Cet âge d'or du cinéma de Shanghai s'interrompt brusquement lorsque les capitaux américains refluent avec la crise, la production cessant lorsque la ville tombe aux mains des Japonais en 1937.
Après la guerre sino-japonaise...
Peu après 1949, les importations de films sont limitées aux productions des autres pays communistes. Pour les meilleures d’entre elle, des satires dans le style de Gogol, des mélodrames sur le monde du théâtre, des films d’opéra, de guerre ou des films chantés. Cela jusqu'à la révolution culturelle. De 1966 à 1974, la cinématographie chinoise tombe alors en désuétude. Plus aucun film ne sera tourné si ce n'est quelques opéras révolutionnaires et quelques longs métrages de propagande.
Une quatrième génération se met en marche suite à la nomination du réalisateur Wu Tianming à la tête du studio de Xian, dont il fera un véritable phare de la production. L’ouverture de nouveaux studios et le souffle nouveau qui en anime d’autres suscitent une émulation novatrice. Le studio de Shanghai fait en même temps figure de temple du classicisme conservateur. De nouveaux réalisateurs font alors, entre 1983 et 1990, leur entrée dans la cour internationale, malgré un certain ostracisme officiel à leur égard, et la bouderie d’un public que leurs films déconcertent. L’absurde, une violence nouvelle, un regard différent porté sur l’amour et la guerre marquent l’exploration de voies inédites dans le cinéma chinois. Les films Ju Dou (1990) et Épouses et concubines (1991), tous deux de Zhang Yimou, Le cerf-volant bleu (Tian Zhuangzhuang, 1993) et Adieu ma concubine (Chen Kaige, 1994) sortent juste après les événements tragiques de la place Tiananmen en juin 1989. Ils obtiennent des récompenses dans des festivals importants, (Palme d’or pour Chen Kaige), des nominations aux Oscars et de gros succès commerciaux. Deux actrices font alors forte impression au niveau international : Gong Li, révélée par son compagnon Zhang Ximou avec Le Sorgho Rouge (premier film, 1987), avec qui elle travaillera durant quasiment dix ans, avant la consécration de 2046 de Wong kar Wai en 2004, et Maggie Cheung Man-yuk, révélée par Jackie Chan dans Police Story, qui deviendra l’égérie de Wong Kar Wai.
Un vent de renouveau au souffle international
Après les évènements de la place Tiananmen, certains réalisateurs choisissent l’exil, d’autres rencontrent de plus en plus de difficultés financières. La censure opère sur de nombreux films.
C’est dans ce contexte, suivi par celui de la rétrocession de Honk Kong à la Chine, débuté en 1997, qu’éclot cependant la plus formidable génération du cinéma chinois, la sixième génération, celle dont le premier film date au minimum d'après 1989. Parmi les réalisateurs remarquables, notons : Li Yang, né en 1959 pour Blind shaft (2003), Wang Chao, né en 1964 pour Fantasia (2014), Lou Ye, né en 1965, pour Nuits d'ivresse printanière (2009) ou Mystery (2012) et surtout Wang Bing, né en 1967, pour A l'ouest des rails (2002) ou Les trois sœurs du Yunnan (2012). Mais aussi : Diao Yinan, né en 1969, pour Black Coal (2014) et Jia Zhang-ke, né en 1970, pour The world (2004), Still life (2006), I wish I knew (2010). Parmi les plus jeunes, on note aussi une femme : Li Yu, née en 1973 pour Buddha Mountain (2004) alors que Pengfei Song, né en 1982 et ayant étudié en France, revient en chine pour Beijing Stories (2015). Kaili Blues (2015), premier long-métrage de Bi Gan, remporte le prix du meilleur réalisateur émergent et une mention spéciale du jury au festival de Locarno et la Montgolfière d'or au festival des 3 continents de Nantes.
Un vent nouveau souffle sur le cinéma en Chine, et le gouvernement semble décidé à l’aider avec l’approbation d’une ligne directrice, régulant notamment les activités des entreprises du film et de la télévision, et privilégiant le rôle du marché. Jia Zhangke lui-même, (réalisateur originaire du Shanxi) a organisé son premier festival à Pingyao en 2018 : le Pingyao Crouching Tiger Hidden Dragon International Film Festival. Sa section "New Generation China" a comme objectif de faire émerger de nouveaux jeunes réalisateurs. Le réalisateur multiplie les projets autour de la production, la distribution et la promotion du cinéma d'auteur en Chine. Un total de 60 films de 30 pays asiatiques sont présentés dans les villes chinoises de Beijing, Shanghai, Chengdu, Xi'an et Guangzhou, à l’occasion de la semaine du film et de la télévision asiatique. Celle-ci a proposé un échange entre réalisateurs et public, la diffusion de films asiatiques et la diffusion de programmes télévisés. Dans le même esprit, le Festival international du film de Shanghai, reçoit plus de 3.900 candidatures de films de 112 pays et régions.
Il est clair aujourd’hui, à la vue des réalisations de ces trente dernières années, que le cinéma chinois a su se dégager peu à peu de son attachement obligé et ancestral à son seul patrimoine sociopolitique, et aux films d’arts martiaux, pour défricher de nouveaux horizons, et cela même si certains réalisateurs savent encore nous passionner avec une réalisation exceptionnelle dans le genre. On pense aux plus récents Le Secret des poignards volants de Zhang Yimou, Tigre et Dragon d’Ang Lee, tout comme la trilogie Détective Dee de Tsui Hark). Si l’on repère clairement, dans certaines réalisations de la dernière génération, des thèmes abordant plus ou moins ouvertement les traditions du pays, on note aussi une volonté de raconter des histoires plus intimistes, et le besoin de faire découvrir les régions, dans leur aspect naturel, industriel et culturel. Une critique politique émerge aussi clairement. A cet égard, les deux récents films de Dong Yue et de Zhangke Jia sont un bel exemple de l’ouverture, permettant aux publics occidentaux de se plonger avec davantage de facilité et de plaisir dans les univers de ces films venus d’Asie.
FG
Si le cinéma chinois vous passionne ou si cet article vous a donné envie de partir à la découverte de nouvelles expériences cinématographiques, voici une sélection non exhaustive de festivals mettant à l'honneur les artistes chinois.
Tokyo - du 28 octobre au 5 novembre 2019 - 32e édition
Taipei - fin novembre 2019 - 56e édition
Festival China New Force
Filmothèque du Quartier Latin, Paris - mai 2020
Vesoul - février 2020 - 25e édition
Paris - fin janvier 2020 - 1ère édition
Écrans de Chine (Festival Européen de Documentaires Chinois)
À Paris et dans d'autres villes européennes - du 2 octobre au 10 novembre 2019 - 9e édition