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Le film documentaire se met au vert
Après "Demain", l'essor des films eco-citoyens

Demain est un projet porté par Cyril Dion et Mélanie Laurent

Demain - Cyril Dion, Mélanie Laurent - Tous droits réservés

C’est l’histoire d’un petit documentaire autofinancé qui pulvérise le box office en 2015 (1 million d’entrées), reste 39 semaines à l’affiche, rafle un César, atterrit à l’ONU et à la COP 21... Mais le plus gros succès de Demain est à chercher dans la façon dont il a impacté le quotidien des spectateurs et dans la manière dont il a ouvert la voie à de nombreux autres documentaires sur le sujet.

La genèse

Aux origines de Demain, on trouve d’abord Cyril Dion, déjà bien engagé sur les questions environnementales puisqu’il fonde avec Pierre Rabhi en 2006 l’association Colibri. Il co-produit et conseille à la même époque Coline Serreau pour son film Solutions locales pour désordre global. Mais sa véritable prise de conscience face à l’urgence climatique va se faire en 2012 suite à la lecture d’un article du Monde intitulé La fin de la planète en 2100 ? Dès lors, il ne voit plus le monde de la même manière et il s’attelle à la réalisation du documentaire.

Profondément marqué par le livre de Nancy Huston L’espèce affabulatrice, Cyril Dion est persuadé que la fiction et le récit sont des vecteurs ultra puissants. Il souhaite « construire un  nouveau récit pour remplacer le récit d’après-guerre orienté sur le consumérisme, le matérialisme, la technologie et le confort qui ont été très portées par le cinéma, la littérature et la publicité ».

Il rencontre l’actrice Mélanie Laurent, déjà engagée dans plusieurs ONG. Elle accepte de le suivre sans hésiter, annulant pour cela ses projets cinématographiques. Un appel au financement participatif est lancé sur une plateforme de crowdfunding : le soutien citoyen est fulgurant et jamais vu, moins de 72 heures plus tard 200 000 euros sont réunis.

Au cœur du film

L’idée est d’aller à rebours des autres films sur le sujet, souvent anxiogènes et à l’ambiance de fin du monde (Avant le déluge de Leonardo Di Caprio ; Une vérité qui dérange Al Gore…). Les auteurs vont se mettre en scène pour valoriser les solutions et partir dans le monde entier à la rencontre des pionniers de l’écologie, déclinant le tout en cinq chapitres (agriculture, économie, énergie, démocratie, éducation). Le ton se veut ludique et pédagogique. La balade nous emmène en Angleterre où les habitants sèment des légumes dans les rues, à San Francisco où les déchets sont recyclés ou compostés à 100%, à Copenhague, ville qui souhaite afficher un bilan carbone neutre d’ici 2025 et où 50% des habitants se déplacent en vélo…

Demain donne la parole aux acteurs locaux pour mettre en lumière leurs initiatives

Demain - Cyril Dion, Mélanie Laurent - Tous droits réservés

 

Les spectateurs font corps avec ce récit et les réactions au sortir des salles sont plus qu’enthousiastes : certains deviennent végétariens, d’autres se tournent vers des banques ou des fournisseurs d’énergie sous forme de coopératives, ils privilégient les achats en vrac, en local, font du compost, boycottent les supermarchés… Sans parler de ceux qui entament un tour du monde à vélo, montent un café solidaire, créent des jardins partagés ou démissionnent, pour se reconvertir dans le maraîchage bio.

Pour le journal Libération, « En une heure et cinquante-huit minutes, Cyril Dion réussit ce que des décennies de lutte écologiste n’étaient pas parvenues à faire : jeter les bases d’une nouvelle fiction collective ». Si le film trouve un écho profond dans la société, c’est aussi parce que le public a mûri sur ces questions, le sentiment d’urgence étant de plus en plus prégnant.

Dans le sillon de Demain…

Sorti en même temps que Demain, En quête de sens de Nathanaël Coste et Marc de la Ménardière a été moins remarqué mais a raflé plusieurs prix. Dans ce film, les deux amis d’enfance partent en road-trip pour comprendre ce qui a conduit aux crises actuelles et d’où pourrait venir le changement. Ils interrogent nos visions du monde et présentent des alternatives qui pourraient construire demain.
Dans Qu’est-ce qu’on attend ? Marie-Monique Robin raconte comment une petite ville d’Alsace de 2 200 habitants s’est lancée dans une démarche de transition vers l’après-pétrole en décidant de réduire son empreinte écologique. S'il est un sujet au coeur des questions environnementales, c'est bien l'agriculture, et avec son film On a vingt ans pour changer le monde, Hélène Médigue démontre comment nos sociétés peuvent se passer des pesticides.
Outre atlantique, Tout est possible de John Chester, sorti en 2019 rencontre un succès conséquent. Ce film hybride qui brouille les genres entre documentaire et fiction, raconte l'histoire d’un couple qui décide de quitter Los Angeles pour se lancer dans le développement d'une ferme écoresponsable. Et la voix française du film n’est autre que celle de… Cyril Dion.
Demain a également généré une suite avec Après-demain (2018), commande réalisée à l’occasion de la COP 24. Laure Noualhat, co-réalisatrice de Cyril Dion sur ce film, est une journaliste spécialiste des questions écologiques. Plus sceptique sur l’idée d’une possibilité de changement sociétal, elle contrebalance le positivisme de Cyril Dion et leur retour sur les lieux du tournage leur permet d’analyser les succès comme les échecs.

Sans être pionnier, Demain a impacté la société de manière durable. Il est à parier que dans les prochaines années, nombreux seront les films éco-citoyens à voir le jour dans son sillon​​​

Qu’est-ce qu’on attend ? et En quete de sens - deux films