Après l'hiver - Guadalupe Nettel

Un récit à double entrée, naviguant entre Paris et New-York. L'histoire de Claudio, l'histoire de Cécilia, êtres solitaires dont les existences respectives s'enracinent à Cuba et au Mexique, se déroulent au fil de chapitres entrelacés selon un dispositif formel original.

Cécilia, jeune étudiante fraîchement débarquée dans le Paris gris et sombre des années 80, est un être mélancolique et secret, épris de littérature et de musique. Elle se lie d'amitié avec Tom, un voisin sicilien à la santé fragile passionné par les cimetières, construisant un lien profond et sensible dont la dimension prend un tour sombre avec la progression de la maladie.

Claudio, exilé cubain aux États-Unis, mène une existence sans surprise, contrôlée à l'extrême, régie par l'autoprotection et l'égoïsme. Il entretient une relation ambiguë avec Ruth, une américaine qui cache sa fragilité sous les anxiolytiques.

Au cœur de l'hiver parisien, au milieu exact du livre, survient la rencontre improbable de ces deux êtres perdus, coup de foudre pour l'un, fascination pour l'autre. Ce pivot, ce point de tension marquent pour Cécilia et Claudio un moment de bascule où leur existence restreinte, prudente, s'ouvre aux autres, malgré eux, et prend des chemins inattendus.

A partir de ce tissage narratif, Guadalupe Nettel déploie l'intériorité de ses personnages, décrit leur condition d'exilés, leur passé politiquement difficile, sexuellement compliqué, leur absolue solitude. L'écriture, limpide, ne s'interdit rien, posant notamment sur Paris et la vie étudiante un regard original, sans concessions. Autobiographique, ce regard est celui de l'exilée. La perte et le souvenir traversent ce récit sensible, à la fois intense et plein de charme, placé sous les auspices de Georges Perec, de Roberto Bolaño ou encore du poète péruvien César Vallejo :

"Êtres imparfaits dans un monde imparfait, nous sommes destinés à ne jamais connaître que des miettes de bonheur".

nathalie