La mégère apprivoisée - Zeffirelli / Shakespeare

Un couple démesuré interprété par un couple détonnant

À Padoue, les deux filles du riche Baptista sont en âge de se marier. Si la belle et douce Bianca compte plusieurs prétendants, Catarina, au terrible caractère, met en fuite chaque homme l’approchant. Or la situation est bloquée puisque le mariage de la cadette ne peut avoir lieu avant celui de l’aînée.

Arrive de Vérone le gentilhomme Petruchio, avec la ferme intention de trouver un beau parti à épouser. Son caractère bien trempé est séduit par celui de Catarina. Il se fixe alors comme point d’orgue de réussir à la dompter voire davantage, de la dresser.

Écrite à l’époque d’une société patriarcale, cette comédie de William Shakespeare (1564-1616) pourrait paraître comme le comble de la domination masculine. Il n’en est rien. L’auteur choisit un personnage féminin fort, en rébellion contre l’autorité sociale pour traiter de l’égalité des sexes et de l’entente amoureuse. Petruchio terrifiant rustre et Catarina la tempétueuse ne s’opposent dans des joutes verbales que pour mieux se séduire. Leur maniement du jeu n’a d’autre but que de faire ressortir la délicatesse du premier et la docilité de la seconde. Et si Petruchio l’emporte sur Catarina, c’est uniquement en réussissant à annihiler sa violence intérieure pour en faire une femme amoureuse.

Abordant des thèmes sérieux autant qu’intemporels tels le pouvoir, l’oppression, la liberté, la manipulation, les conventions, cette pièce n’en est pas moins réjouissante et drôle.

L’excellence des échanges entre les deux protagonistes est jubilatoire rendant difficile la retenue d’applaudissements à chacune de leurs reparties.

Si l’adaptation cinématographique en technicolor (1967) de Franco Zeffirelli développe essentiellement l’aspect burlesque de la comédie, les interprétations d’Elisabeth Taylor et de Richard Burton sont remarquables. À croire que, 373 ans auparavant,  Shakespeare écrivit les rôles pour ces deux acteurs emblématiques.

Isabelle Rollet